Les intraduisibles

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Ces mots qui n'existent qu'en français

Ce que nous appelons "intraduisibles", ce sont des mots, des expressions idiomatiques qui ne trouvent pas d'équivalent parfait dans d'autres langues. Propres au patrimoine, à des référents historiques, à une activité spécifique, ces particularités françaises reflètent une certaine représentation du monde. Retour sur ces trésors, ces bizarreries, ces empreintes inconscientes de notre façon de parler et donc de penser.

Les retrouvailles

retrouvailles

L’idée de se retrouver après une séparation est un concept exprimable dans de nombreuses langues. Mais le mot même de retrouvailles synthétise différentes actions, émotions et réactions.

Les retrouvailles c’est lorsqu’on se retrouve, on se serre dans les bras, on s’embrasse, on exprime le plaisir de se retrouver lors de cet instant souvent émouvant.

Pour ne prendre qu’un exemple, voici un extrait du roman de Yasmina Khadra, « L’Attentat », adapté au cinéma et en bande dessinée.

« Mes yeux se gonflent de larmes, mais je ne les laisse pas gâcher cette hypothétique réconciliation avec moi-même, ces retrouvailles intimes que je suis le seul à fêter quelque part dans ma chair et dans mon esprit. »

 Yasmina Khadra, L’Attentat, 2005.

C’est la bérézina !

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Cette idée de la catastrophe, l’hécatombe, du cataclysme passe par l’expression « He has met his Waterloo » en Anglais, littéralement, « Il a eu son Waterloo » ou « E’ una Caporetto  » en Italien qui renvoie à une défaite militaire de 1917.

Les Tchèques eux passent par un autre type d’expression imagée : « Dopadli jsme jako sedláci u Chlumce », ce qui veut dire « On a fini comme les paysans de Chlumec. »

Cette expression de la défaite en français tient son origine du désastre en 1812 de la bataille de Bérézina que Balzac utilise comme toile de fond dans l’une de ses nouvelles.

« Ce fut environ vers minuit que ce grand général, suivi d’un officier de courage, quitta la petite cabane qu’il occupait auprès du pont, et se mit à contempler le spectacle que présentait le camp situé entre la rive de la Bérézina et le chemin de Borizof à Studzianka. »

Honoré de Balzac, Adieu, 1830.

Affriolant

Quelque chose d’affriolant c’est ce qui excite l’appétit voire le désir. L’emploi de cet adjectif est une manière noble de parler de ce qui est tentant, alléchant, attirant ou plaisant.

Un fraisier dans la vitrine d’une boulangerie peut-être tout aussi affriolant qu’une danseuse du Crazy Horse.

« Écoutez, Wenceslas, je vous aime trop tous les deux pour ne pas vous prévenir du danger. Si vous venez-là, tenez votre cœur à deux mains, car cette femme est un démon ; tous ceux qui la voient, l’adorent ; elle est si vicieuse, si affriolante !… Elle fascine comme un chef-d’œuvre. Empruntez-lui son argent, et ne laissez pas votre âme en gage. »

Honoré de Balzac, La Cousine Bette, 1846.

Dépayser

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Etre dépaysé : c’est changer de pays,  varier son mode de vie, ses habitudes. Tout le monde peut comprendre cette sensation d’être dérouté, déphasé, déraciné, désorienté voire déconcerté mais le verbe « dépayser » est riche de sens par rapport à ses synonymes et ses traductions.

Le dépaysement est le contraire de la routine, du familier.

C’est un résultat positif lorsque l’on part en vacances, que l’on atterrit dans un monde très différent. On se dit dépaysé devant une mer turquoise lorsque l’on est un citadin alors qu’un Hawaïen sera lui plus dépaysé en étant à Paris.

« On cherche à se dépayser en lisant, et les ouvriers sont aussi curieux des princes que les princes des ouvriers. »

Marcel Proust, Le Temps retrouvé, 1927.

Se recroqueviller

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Se recroqueviller : Ce mot bien français renvoie à une position physique prenant différentes formes selon les personnes. Un individu en se recroquevillant, se replie, se tasse sur lui-même. C’est une réaction sous l’effet du froid, d’une peur de ce qui se passe autour de soi, du sentiment de honte. On peut dire qu’une personne se blottit ou se recroqueville pour s’endormir.

« Quand le flot brûlant l’atteignit à nouveau (…) l’enfant se recroquevilla, recula au fond du lit dans l’épouvante de la flamme qui le brûlait et agita follement la tête, en rejetant sa couverture. »

Camus, La Peste, 1947.

 

Ça va chauffer

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Le verbe « chauffer » sous-tend mille et une subtilités dans la langue française : chauffer le four, une soupe, de l’eau, veut dire donner de la chaleur. Il est aussi possible de chauffer ses muscles, ses cordes vocales, c’est-à-dire, les préparer, leur procurer une chaleur pour leur bon fonctionnement. Concernant des individus, si cela chauffe, cela veut dire tantôt qu’ils s’excitent, qu’ils s’attisent, qu’ils s’exaltent tantôt que la tension monte.

Dans un registre aussi populaire que tendance aujourd’hui, chauffer quelqu’un signifier courtiser, séduire ou exciter.

« Ça va chauffer ! »

De Funes, dans le film « La folie des grandeurs », 1971.

 

 

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